Suite à des interrogations d’une internaute proche d’accoucher et qui a peur de la péridurale, j’ai décidé d’écrire cet article pour expliquer en quoi consistent ces méthodes d’analgésie et d’anesthésie, leurs indications et leurs complications afin de vous permettre de choisir avec un peu plus de connaissance sur le sujet.
D’emblée et de manière générale, j’ai le regret de constater qu’à l’ère d’internet et des réseaux sociaux, les gens commencent à avoir peur de toute technique nouvelle ou ancienne car elle comporte des risques. Il est évident que tout ce que l’on fait en médecine (et ailleurs) comporte des risques, mais le travail du médecin est de bien peser le bénéfice /risque d’une technique ou d’un médicament avant de le proposer à sa patiente. La péridurale est aussi victime de cela, car certains arguant de douleurs chroniques post accouchement, la déconseillent fortement alors que c’est un excellent moyen de soulager les douleurs durant l’accouchement. En quoi diffère-t-elle de la rachianesthésie par ailleurs.
La rachianesthésie consiste à injecter un produit anesthésiant directement dans l’espace dure-mérien des méninges (enveloppes qui recouvrent le cerveau et qui s’étend jusqu’à la moelle épinière) pour paralyser les nerfs alentours et effacer la douleur dans un territoire nerveux déterminé. Comme si l’on allait faire une ponction lombaire en cas de méningite, sauf que l’on injecte un produit au lieu de prélever du liquide. C’est pour cela que les jambes sont paralysées pendant quelques heures et que l’on ressent les gestes du chirurgien mais sans aucune douleur. La complication majeure de cet acte est la persistance d’une brèche des méninges qui entraîne une variation du liquide céphalo-rachidien (LCR) dans le cerveau entraînant des céphalées parfois atroces, voire des vertiges. Mais le traitement de ces complications de la rachianesthésie est facile, rapide et efficace et consiste à faire un Blood Patch c’est à dire à injecter du sang propre à la patiente pour colmater la brèche.
La rachianesthésie se fait en One Shot, c’est à dire que la dose injectée est unique avec une efficacité de quelques heures et que l’on ne peut pas la refaire. Elle est surtout utile pour opérer une patiente en évitant une anesthésie générale dont les risques mortels sont beaucoup graves que ceux de la rachianesthésie, surtout en cas de césarienne en urgence. C’est pour cela qu’elle ne se fait qu’au bloc opératoire et que vous n’avez souvent pas le choix de dire non à une rachianesthésie sauf si le médecin anesthésiste estime qu’il peut faire une anesthésie générale sans trop de risques. De plus, en cas de césarienne, la rachianesthésie permet au bébé de ne pas recevoir les produits anesthésiques, à la maman de reprendre son transit plus rapidement et surtout au chirurgien de prendre son temps en cas de difficultés opératoires.
La péridurale varie de la rachianesthésie par l’endroit visé et sa durée d’action. On ne cherche pas à percer les méninges mais à introduire dans l’espace péridural (autour de la dure-mère qui est une des enveloppes composant les méninges), un fin cathéter (tuyau) permettant de délivrer continuellement le produit qui est soit analgésique (supprimant la douleur) soit anesthésique (supprimant toute sensation et paralysant) selon la dose injectée. Ce cathéter peut permettre ainsi de rajouter des doses jusqu’à 48h le temps que l’accouchement se termine, que la délivrance et l’épisiotomie refaite ou en cas de nécessité de révision utérine. Elle permet même de réaliser une césarienne de 2ème intention en cas de difficultés d’accouchement, tout simplement en rajoutant du produit. Comme sa durée n’est que de 24-48h elle ne se fait que lorsque le travail a débuté et que la dilatation du col commencé (minimum 2 doigt large et col effacé) pour ne pas tomber dans le piège du faux travail ; vrai contractions sans effets sur la dilatation, qui peut durer plusieurs jours.
L’accouchement normal étant réputé douloureux, la péridurale l’a grandement soulagé en diminuant, voire supprimant la douleur et permettant souvent l’accouchement par voie basse d’autant plus qu’elle aide à la dilatation du col et à l’avancée du travail surtout en cas de dystocie dynamique ou de col spasmé. C‘est un moyen thérapeutique de certaines anomalies du travail. La majorité de mes patientes me l’on avoué tel quel : elles n’auraient pas pu supporter les contractions jusqu’à la fin de l’accouchement par voie basse sans cette analgésie.
L’accouchement est douloureux, il faut le savoir, je le répète. Maintenant la douleur est une sensation subjective et certaines peuvent la supporter jusqu’à un certain point, mais après qu’est ce qui se passe. C’est 100 fois pire que des douleurs de règles très invalidantes et que vous n’avez pas d’anti-inflammatoires ni d’antalgiques, Ca fait très très mal mais ça finit par passer. Et l’arrivée de bébé et la fierté d’avoir réussi à accoucher normalement fait oublier cette douleur. Mais j’ai aussi maintes et maintes fois eu des parturientes me suppliant de les césariser car le travail était trop douloureux et/ou altéré par cette douleur. J’ai aussi accouché des patientes par voie basse qui l’on demandé trop tard car les contractions se sont fortement accentuées au moment où le bébé s’engageait où il n’était plus possible de la faire. J’ai aussi eu, mais c’est plus rare, des patientes qui ont accouché avec le sourire et sans péridurale, mais c’est plus rare, surtout des femmes ayant déjà accouché auparavant. Bien sûr, vous avez le choix de refuser une péridurale, mais franchement je ne vous le conseille pas, par rapport aux bénéfices attendus et au risques encourus (réels mais rares).
Le revers de la médaille, c’est que l’on a parfois reproché à la péridurale des douleurs chroniques du dos en post-accouchement parfois invalidantes et durant plusieurs mois après l’accouchement. Bien sûr, ça peut être dû à une blessure des nerfs alentours lors de sa réalisation, surtout dans des mains inexpérimentées ou en cas de difficultés (obésité par exemple). Mais ces douleurs chroniques sont le plus souvent liées à une instabilité de la colonne vertébrale, d’une malposition lors de l’accouchement ou de l’allaitement, d’un surpoids ou d’une obésité antérieure occasionnant une pression excessive sur les vertèbres et aggravée par la grossesse et l’accouchement.
Il n’est pas rare en effet que la femme rapporte des douleurs dorso-lombaires déjà durant sa grossesse. Son dos est déjà soumis à rude épreuve. Ce n’est pas rien de porter un bébé pendant 9 mois surtout s’il est déjà abîmé et/ou peu musclé, d’autant plus que l’on est en surpoids ou que l’on a pris plus de 15 kilos durant sa grossesse.
Le nouveau travail de maman n’est pas aussi de tout repos : allaiter le bébé dans une mauvaise position, le porter, se pencher pour lui donner son bain… tout cela sollicite fortement le dos. La péridurale peut juste réveiller ou aggraver d’anciennes lésions en exacerbant des douleurs déjà présentes. Le recours à un ostéopathe ou un médecin rééducateur solutionne souvent le problème.
Avant de publier cet article, j’ai visité quelques sites internet grand public et la majorité, tout en expliquant la technique, insiste sur son efficacité et sur la rareté des complications. J’ai voulu vous expliquer les différents moyens d’analgésie (soulagement de la douleur) et d’anesthésie au cours de l’accouchement tout en vous exprimant mon expérience de 20 ans de pratique d’accouchement. A vous de choisir en fonction de votre degré d’appréhension de la douleur et bon courage pour votre expérience.
Dr. H. BEN ABBES TAARJI