Les premiers saignements ont souvent été négligés, répétitifs et c’est souvent en urgence que l’on vient voir son gynéco pour des saignements persistants.
Patatras, le diagnostic tombe durement : cancer du col évolué.
Pourquoi est-ce que ce cancer , qui a pratiquement disparu dans les pays riches représente encore le 2ème cancer de la femme marocaine, et souvent trouvé à un stade avancé alors qu’il peut être dépisté et bien traité en amont, avec des taux de guérisons de 100%. Explications.
Bravo aux gens profanes qui suivent l’actualité médicale. A une dame m’interpellant à propos d’un article sur le stérilet comme protection contre le cancer du col de l’utérus, se basant sur une étude américaine notant une réduction de 33% des cancers chez les femmes utilisant un dispositif intra-utérin, j’ai répondu ne pas pouvoir le commenter. Mais je pense tout simplement que les gens qui ont un stérilet font plus de contrôle et donc de frottis cervico vaginal (FCV) au moins tous les 3 ans, qui est l’une des deux seules véritables armes pour prévenir ce cancer avant qu’il ne se développe.
Quand il commence à se manifester par des signes cliniques, notamment par des saignements irréguliers pendant les rapports sexuels ou pendant la toilette intime, c’est qu’il est devenu envahissant. A un stade plus tardif, il peut entraîner des saignements spontanés importants ou des pertes vaginales sales, voire des douleurs pelviennes quand il est très évolué. C’est vraiment dommage car son dépistage et son traitement à un stade de pré-cancer permet une guérison à 100% mais aussi de préserver à la femme son utérus, symbole ultime de sa féminité et sa fertilité
Le HPV ou papillomavirus est un virus très fréquent qui touche plus de 50% des femmes au cours de leur vie, généralement contaminés par leurs maris. Le virus se transmet par contact sexuel, même sans pénétration. C’est le virus des verrues communes et génitales. La maladie n’est pas grave et le plus souvent asymptomatique, sauf dans de rares cas où des condylomes apparaissent sur le pénis ou sur la vulve. Il existe plus de 150 virus HPV, mais beaucoup ne sont pas du tout cancérigènes. Certains notamment le 16, 18,33, 35…sont dit oncogènes, c’est à dire capable de générer un cancer. Maintenant si vous avez été contaminé par un type particulier, vous pouvez si vous changez de conjoint attraper d’autres types. Dans la majorité des cas, le virus est éliminé naturellement, mais quelques fois, il résiste et c’est ce qui fait sa gravité. Quand il persiste plusieurs années, ce virus dérègle l’ADN des cellules du col qui commencent à se multiplier de manière anarchique. Dans 1 cas sur 1000, ça évolue jusqu’au cancer invasif. Le cancer du col est lié au HPV dans 99, 7%, mais le virus est aussi responsable en partie des cancers de la vulve, du rectum, du vagin, du pénis et de la gorge.
Il existe plusieurs facteurs connus pour favoriser le développement du cancer, notamment le fait d’avoir beaucoup de grossesses (multiparité), de s’être marié jeune (précocité des rapports sexuels), les infections sexuellement transmissibles, et le tabac. Tous ces facteurs ne font que faciliter la persistance du virus HPV au niveau des cellules du col, en diminuant l’immunité du corps qui a du mal à se débarrasser du virus HPV. En l’absence d’infection HPV, il n’y a pas de cancer du col.
il existe donc deux types de prévention :
LA PREVENTION SECONDAIRE qui consiste à rechercher des cellules anormales avant qu’elles ne deviennent un cancer invasif, car ce processus de cancérisation prend de longues années (10 à 30 ans). C’est cette politique de dépistage qui a permis de réduire fortement le cancer du col dans les pays développés.
En pratique, votre gynécologue ou votre médecin généraliste va vous proposer au cours d’un examen de routine de faire un prélèvement de votre col utérin, au moment où il met le spéculum. La brosse en plastique qui a recueilli les cellules est mise dans un liquide conservateur qui permet aussi de diluer le sang, ce qui fait que le frottis peut également être réalisé en période de règles (ce qui n’était pas le cas de l’ancienne méthode où on l’étalait sur une lame). En cas d’infection parasitaire ou mycosique, le frottis peut parfois montrer le germe responsable. La femme enceinte peut aussi en bénéficier. C’est un examen simple, anodin, facile à réaliser, indolore et pas cher (250-300 dhs remboursés par les mutuelles). Il est lu au microscope par un anatomopathologiste qui repère les cellules anormales et les classe selon leur gravité.
En cas d’anomalies, le gynécologue procède à des examens complémentaires pour faire un diagnostic précis et éventuellement de traiter le col avant l’apparition du cancer. Soit une colposcopie qui est un examen à la loupe binoculaire du col après application de colorants qui guident la biopsie vers les zones suspectes, soit un test HPV pour savoir si le virus est à risque ou non, soit les deux. La biopsie confirme le caractère précancéreux de la lésion qui permet un traitement limité au col utérin uniquement Le traitement du cancer invasif n’est pas facile et souvent trop tardif, nécessitant une chirurgie pour ablation de la matrice quand c’est encore possible, sinon de la radiothérapie et de la chimiothérapie avec un pronostic souvent réservé
Quand elle commence à avoir une activité sexuelle, la femme doit faire un premier frottis, puis le refaire un an plus tard, pour éviter les erreurs du 1er prélèvement. Si le résultat est normal, la surveillance passe à un frottis tous les 3 ans. Cependant cette politique de dépistage de la maladie-avant qu’elle ne se déclare- a des limites, car si, comme en France, certaines personnes font trop de frottis, (une fois par an), d’autres n’en font pas. La France connait encore 3000 nouveaux cas par ans et 2000 décès. Au Maroc le dépistage est encore largement individuel et ne peut pas réellement avoir une incidence sur la fréquence de la maladie à l’échelle du pays.
C‘est pour cela qu’avec l’apparition de vaccins anti HPV, la majorité des pays développés ont opté pour une PREVENTION PRIMAIRE complémentaire, qui consiste à supprimer la cause du cancer, c’est à dire le virus. L’Australie compte être le premier pays à ERADIQUER le cancer du col à l’horizon 2030 en vaccinant toutes ses jeunes filles mais aussi les garçons. Grace à cette politique en place depuis plus de 10 ans, ils ont déjà noté une diminution très importantes des cas de verrues génitales, bénignes mais toujours effrayantes chez la jeune femme mais surtout des lésions précancéreuses du col et de la vulve. Le vaccin doit se faire chez des jeunes gens naïfs, c’est à dire qui n’ont jamais été en contact avec le virus, donc avant les premiers rapports sexuels. On propose donc de vacciner les jeunes filles à partir de l’âge de 9 ans ou la réaction immunitaire est la plus efficace, mais le vaccin peut être aussi fait plus tard. Personnellement, je compte vacciner mes enfants. Si la femme a déjà eu des rapports, le vaccin risque tout simplement d’être moins efficace.
Ce vaccin a aussi fait l’objet de beaucoup de contre publicité, parfois même par des médecins opposés à la vaccination. On la même accusé d’occasionner des morts …par accident de la voie publique. Ce n’est pas qu’il n’y a pas d’effets secondaires graves, (syndrome de Guillain Barré décrits), c’est que leur fréquence reste exceptionnelle et sensiblement identique à la population non vaccinée. Et vous pensez que toutes les autorités sanitaires le recommandent juste pour enrichir les laboratoires qui le produisent ?? Non, pour protéger leur population. Se vacciner contre le HPV permet en plus d’éviter 90% des cancers du col mais aussi des cancers ORL, de la vulve, du vagin, de l’anus et du pénis (bien que rare)…eux aussi dus en partie au virus HPV.
Cependant, la vaccination ne dispense pas du frottis. Le vaccin n’est pas efficace à 100% et le frottis est un examen anodin à réaliser régulièrement pour permettre d’éviter le cancer.
Au total, le frottis cervico vaginal couplé à la vaccination ont permis d’envisager de faire disparaître cette maladie grave que représente le cancer du col. Il m’est triste de devoir encore diagnostiquer des cancers à des stades tardifs tout simplement par ignorance.
Donc pensez à vous faire dépister et à vacciner vos filles, ça n’arrive pas qu’aux autres.