Vaste sujet que d’essayer de simplifier les troubles menstruels et leurs causes, mais je vais essayer d’expliquer les causes des saignements anormaux lors du cycle menstruel pour répondre à l’interrogation de plusieurs facebookeuses sur ce sujet.
Déjà, je précise que je ne parlerai pas ici des anomalies de la durée du cycle (court ou long), ni des aménorrhées ou absence de règles qui ont des causes assez précises : 1-éliminer en 1er lieu une grossesse chez toute femme ayant eu une relation sexuelle 2- des ovaires polykystiques qui peuvent donner une absence de règles chronique durant plusieurs semaines -3 le stress ou une anorexie est un facteur important qui peut bloquer dans le cerveau l’axe hypothalamo-hypophysaire (HH) qui contrôle la production des hormones ovariennes , dont effet sur l’utérus va donner les règles-4- un kyste ovarien ou de la surrénale produisant des hormones sexuelles bloquantes 5- un adénome hypophysaire à prolactine ou autre (prise médicamenteuse ++) qui bloque aussi l’axe HH ou 6- une ménopause précoce rare mais qui peut arriver à tout âge .
Donc parlons des saignements anormaux au cours du cycle menstruel. Je rappelle d’abord que les règles représentent en fait le seul élément visible d’un cycle menstruel silencieux, qui a cherché chaque mois à préparer une femme à tomber enceinte, durant toute sa période d’activité génitale, de la puberté à la ménopause. Si les règles sont considérées comme le début du cycle, elles correspondent en réalité à la fin du cycle précèdent avec un endomètre (tissu qui tapisse la paroi interne de l’utérus) qui a grandi sous l’effet des hormones féminines œstrogène et progestérone, puis qui meure en l’absence de grossesse. Tout saignement provient en fait d’un endomètre inadéquat, soit trop développé, soit au contraire très aminci ou insuffisamment nourrit.
Les règles durent en général 3 à 6 jours et sont de couleur rouge et d’abondance variable. Elles sont généralement sans caillots, mais leur présence n’a pas vraiment de signification. Elles peuvent s’arrêter quelques heures, voire un jour ou deux avant de recommencer à couler. Mais une fois les règles terminées, l’endomètre doit se développer normalement et pas de raison de ressaigner avant les prochaines règles. Quand vous avez des pertes noires ou brunes, c’est de l’endomètre qui desquame car manquant de progestérone et non pas le début des règles. On parle de ménorragies quand les règles durent plus de 8 jours et/ou sont trop abondantes au point d’entraîner une anémie. On parle de métrorragies quand ces saignements surviennent après la période des règles et on parle de méno-métrorragies quand les saignements sont abondants et irréguliers; c’est simple la gynéco !!!
Quand on a des ménorragies, c’est qu’on a trop d’endomètre produit le cycle précèdent et qui doit tomber. On va donc rechercher une cause à cet endomètre trop abondant, notamment un fibrome ou un polype qui bombe dans la cavité utérine et agrandit la surface endométriale, ou alors un kyste ovarien ou d’autre origine (glande surrénale++) qui produit beaucoup d’œstrogènes et qui entraînent cet excès d’endomètre, ou encore une prise médicamenteuse insoupçonnée. Une contraception par stérilet, en augmentant l’inflammation de l’endomètre peut donner des ménorragies.
Quand on a des métrorragies, (saignement en dehors des règles), c’est qu’il y a quelque chose d’anormal qui fait saigner. Que ça soit provoqué par le rapport sexuel ou non, il faut penser à une cause locale : infection du col (cervicite), ectropion (muqueuse interne du col extériorisée) infecté, polype accouché par le col, plus rarement un cancer du col ou de l’endomètre.
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Parce que sinon, tout le monde deviendrai gynécologue !!! Quand on a des saignements quasi permanents, on parle de méno-métrorragies, ou plusieurs causes doivent être recherché : notamment de multiples polypes ou fibromes utérins qui saignent constamment ou encore cancer du col ou de l’endomètre…. Un stérilet déplacé peut aussi donner des saignements anormaux.
Mais des particularités considérées comme normales sont nombreuses. Tout d’abord, rappelons que lors de l’ovulation, il y a une chute des œstrogènes produits et cette variation hormonale peut être la source de saignements appelés hémorragies inter menstruelles ou de l’ovulation, pas chez toutes les femmes et pas systématiquement, mais tout à fait physiologiques surtout si survenant en milieu de cycle.
Les ovaires polykystiques donnent classiquement des cycles long voire une aménorrhée, mais les anomalies de l’ovulation chez ces patientes peuvent aussi être la cause de saignements anormaux.
La cause la plus fréquente des saignements anormaux chez les femmes prenant une pilule sont liées à des erreurs de prise, parfois au dosage. Attention, la pilule oestro-progestative doit être prise régulièrement à la même heure, chez une femme disciplinée, que le mari soit là ou pas. Tout oubli peut entraîner des saignements, encore plus quand elle est prise irrégulièrement juste lorsque un rapport est prévu. La pilule consiste en un apport d’une dose fixe ou variable d’œstrogène et de progestatifs qui bloque le cycle naturel et le remplace par ces hormones. Comme l’endomètre n’est pas très développé, les règles surviennent à l’arrêt de la pilule mais sont d’abondance moindre. C’est l’un des avantages de cette contraception. Mais l’absorption varie selon chaque femme et la pilule qui sied très bien à votre sœur n’est pas forcement adaptée à votre métabolisme. Les pilules faiblement dosées à 20 µg d’oestrogènes sont connues pour donner des petits saignements ou spotting qui peuvent déranger certaines. Les pilules à 30 µg donnent généralement un bon contrôle du cycle mais cela peut varier selon la tolérance de chacune. La pilule du lendemain également peut vous dérégler, surtout si vous la prenez comme contraception régulière (eh oui, certaines prennent la pilule du lendemain à chaque rapport au lieu d’une contraception classique !!!). Les pilules progestatives pures (de l’allaitement) sont connues pour donner dans 30% des cas des troubles du cycle, soit aménorrhées, soit pertes noirâtres, car elles amincissent beaucoup (atrophient) l’endomètre.
Il y a aussi une nouvelle pathologie de plus en plus diagnostiquée ces dernières années avec l’inflation des accouchements par césariennes de convenance (demandés par les patientes elles même qui ne veulent pas accoucher par voie basse). C’est ce que l’on appelle l’isthmocèle. Lors de la cicatrisation de la plaie utérine, il peut se former dans la paroi de l’utérus (pas forcement la faute du gynéco pressé qui fait mal sa suture) une poche dans laquelle le sang va se collecter lors des règles, puis va être relargué à leur fin. C’est typiquement un saignement indolore fait de sang noir, voire de simples pertes qui surviennent deux trois jours après la fin des règles. Le diagnostic est fait par une échographie endovaginale et un traitement chirurgical peut être proposé si cela gêne beaucoup la patiente.
Enfin, durant la péri ménopause (à partir de 45 ans parfois plus parfois moins), avec l’épuisement progressif de la capacité à ovuler et l’apparition de fluctuations hormonales très disparates, on peut aussi avoir un excès d’œstrogènes qui entraînent un excès ou hyperplasie de l’endomètre responsable de ménorragies, souvent corrélés à des troubles de la durée du cycle (cycle courts puis de plus en plus long).
Même si on sort un peu du sujet, je rappellerai que toute femme ménopausée ne doit plus saigner. Si cela arrive, c’est le plus souvent à cause d’un endomètre très fin (atrophie de la ménopause) mais un cancer de l’endomètre ou du col est toujours possible et c’est pour cela que tout saignement chez une femme ménopausée doit être exploré.
Ainsi donc, les causes des saignements anormaux chez une femme en période d’activité génitale sont nombreuses mais en général leur cause est assez facile à retrouver avec un bon interrogatoire, un examen gynécologique minutieux et une échographie endovaginale performante. Au besoin, d’autres examen seront demandés. Le traitement doit d’abord être celui de la cause du saignement, mais dans les cas liées à des troubles hormonaux, un traitement hormonal (pilule, progestatifs..) peut être utile pour réguler le cycle.
Dr H. BEN ABBES TAARJI



