Selon Zhang FF et ses collaborateurs, dans un article publié dans le BMJ (British Medical Journal) du 29 juin 2020, les données actuelles ne permettent pas de supporter le bénéfice de la prise de compléments à base de vitamine, minéraux ou d’huiles de poisson sur le risque de développer une maladie non transmissible en l’absence de déficits avérés en micronutriments.
Les compléments alimentaires à base de vitamines, sels minéraux et/ou huiles de poisson sont fortement utilisées notamment en Amérique du Nord et en Europe. Aux États-Unis, plus de 70% des adultes de 65 ans et plus en consomment, ainsi qu’environ un tiers des enfants et adolescents. Selon les données de la National Health and Nutrition Examination Survey menée entre 1999 et 2014, entre 35 et 40% des adultes américains prendraient de la vitamine C, autant de la vitamine E, D, B12, B6 et du calcium. Ils seraient également entre 30 et 35% à prendre des compléments à base de zinc, de magnésium, de fer et de sélénium et environ 5% des compléments d’acide eicosapentaénoïque et d’acide docosahexaénoïque. La consommation de ces compléments est globalement positivement associée au niveau d’éducation et au statut socio-économique des sujets concernés. Les personnes ayant un style de vie sain, non-fumeurs, consommant peu d’alcool, n’étant pas en surpoids ou obèses, ayant une alimentation saine et physiquement actifs sont également plus susceptibles que les autres d’en consommer.
Pour autant, faut-il toujours largement supplémenter ?
Le niveau d’apports alimentaires en micronutriments sont variables dans les pays à revenu élevé. L’alimentation occidentale est globalement riche énergétiquement mais pauvre en micronutriments. Dans les pays à revenu moyen ou faible, les déficits en micronutriments sont quant à eux encore très fréquents (notamment en iode, zinc, vitamine A). Bien sûr, dans les pays à revenu élevé, l’enrichissement des aliments par de l’iode (pour le sel), la vitamine D (pour le lait) et la vitamine B1 et B3 pour les farines, a contribué à la quasi élimination respectivement du goitre, du rachitisme, du béribéri et de la pellagre. Cependant, les apports en micronutriments peuvent parfois être supérieurs aux apports recommandés. Ainsi, au Canada par exemple, une enquête nationale a révélé que plus de 80% des 1 à 3 ans avaient eu des apports en vitamine A et en niacine supérieurs aux apports les plus élevés recommandés. Et aux États-Unis,
une étude a montré que 97% et 68% des enfants en bas âge avaient eu des apports excessifs en vitamine A et zinc respectivement. Est-ce pour autant néfaste ? Impossible de se prononcer car peu de données fiables ont analysé les éventuelles conséquences.
Sans déficit ou carence, est-ce utile en prévention ?
Les auteurs mentionnent que les essais randomisés réalisés dans le domaine n’ont pas montré de bénéfices des supplémentations sur la réduction du risque de maladie cardiovasculaire, de cancer ou de diabète de type 2, lorsque les individus sont en bonne santé et ne présentent pas initialement de déficit ou de carence nutritionnelle. Par ailleurs, il convient de noter que les essais randomisés dans le domaine considèrent le plus souvent un seul dosage, or il peut ne pas être suffisant pour apporter un bénéfice. Des études observationnelles ont quant à elles montré des associations entre apport en micronutriments et réduction des maladies non communicables. Cependant, ces associations peuvent être liées à des facteurs confondants tels que les niveaux socio-économiques, les facteurs de vie dont une meilleure alimentation.
Par ailleurs les micronutriments pris en supplémentation et ceux provenant de l’alimentation pourraient ne pas apporter les mêmes bénéfices, car des interactions synergiques entre les micronutriments et d’autres substances bioactives de l’alimentation pourraient exister. Enfin, les auteurs mettent en avant que l’évolution des tendances alimentaires (régime cétogène, Paléolithique, Végan, Végétarien) nécessite d’explorer l’utilisation de ces compléments au sein de ces différents sous-groupes d’individus qui peuvent plus facilement présenter des déficits compte tenu de leurs choix alimentaires.
(Résumé d’article publié par Nathalie Barrès dans Actu Univadis du 14 juil. 2020 )
Leave a reply